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Construire son cadre interne – Brèves d’orthophoniste 2

 

Me revoilà pour une 2e série de Brèves d’orthophoniste ou Comment proposer un cadre thérapeutique dans le cas d’une prise en charge orthophonique (mais également médicale au sens large du terme).

Ce billet va être l’occasion pour moi de vous présenter une amie, Amélie, psychologue mais aussi blogueuse bien-être sur www.bonheurminimaliste.com et très bientôt sur www.apprendrelameditation.com. Elle nous donnera son point de vue sur ce cadre thérapeutique, quelques fois si difficile à maintenir et à assumer.

Je vous réserve à ce propos une petite SURPRISE à la fin du billet. Avec Amélie, nous avons décidé d’unir nos forces pour vous chouchouter, RENDEZ-VOUS tout en bas de l’article mais lisez-le avant, vous allez voir c’est sympa 😉 !

 

  • Cette famille, vous la suivez depuis plusieurs années, la grande soeur puis la petite, vous connaissez tout le monde. Vous les aimez bien les parents, ils ont presque le même âge que vous et puis les petites sont mignonnes comme tout. Pourtant, à l’approche de toutes les vacances scolaires c’est la même histoire, des annulations de dernière minute pleuvent, sans vraiment de raison. Comme vous les aimez bien, vous n’osez pas leur dire que c’en est trop et pourtant vous avez perdu plusieurs centaines d’euros à cause d’eux.

 

Il est quelques fois bien plus facile de poser un cadre ferme à une famille que l’on connaît depuis peu. L’affect est moins présent, la familiarité s’est moins installée. Cependant, le maintien du cadre est essentiel pour notre bien-être – sans pour autant être inflexible bien sûr – mais ce n’est pas parce que nous apprécions certains patients que nous ne pouvons pas leur rappeler les règles du cabinet. Pourtant, dans les faits, nous laissons passer bien plus de choses à ces familles qu’à d’autres. Alors que faire quand les limites sont dépassées ?

La première chose à réaliser est que ce n’est pas parce que vous avez laissé passer beaucoup de choses auparavant que vous n’avez plus votre mot à dire. Lorsque j’avais mon cabinet, je me disais souvent “La famille Machin, c’est trop tard, je les ai mal habitués, j’ose plus leur dire quoi que ce soit maintenant”. Et Pourtant, c’est une erreur à mon sens. Pourquoi ne pas choisir un retour de vacances scolaires ou le retour de vos propres vacances pour leur proposer un rendez-vous.

La deuxième chose à avoir en tête, c’est de ne surtout, surtout pas discuter de cela entre deux portes, devant le patient d’après. Prenez le temps ! Profitez-en pour faire le point sur la prise en charge et glissez en fin de discussion que vous aimeriez que les séances soient encore plus régulières et ce notamment à l’approche des vacances scolaires. Remerciez-les pour leur investissement. Point.

 

〈 Le mot de la psychologue 〉

 

Si on tente d’analyser la situation exposée, on peut ressentir qu’une certaine proximité s’est installée au sein de la relation. En effet, l’orthophoniste, ne voulant pas mettre en cause les parents, se sent gênée ou mal à l’aise de rappeler le cadre aux parents.

On peut penser aussi que pour une quelconque raison l’orthophoniste ne veut pas que les parents la vivent comme “le mauvais objet”. Pourtant, dans toute relation humaine nous vivons l’autre tantôt « bon» et tantôt « mauvais » ; des expériences tantôt plaisantes, satisfaisantes et tantôt déplaisantes, frustrantes. On pourrait dire qu’une relation équilibrée nécessite un peu de chaque…

On sent ici une forme de culpabilité de l’orthophoniste alors que ce sont les parents qui mettent à mal le cadre… Et donc la relation. L’orthophoniste, prise par cette culpabilité, se sent démunie et choisit l’évitement du problème plutôt que de prendre soin de son cadre… Et donc d’elle-même. Cela va pourtant sûrement générer une frustration qui pourra avoir des effets négatifs sur son travail.

Cette culpabilité peut sûrement trouver plusieurs explications. Ici on entend une identification aux parents qui peut amener de la confusion et une difficulté à poser son cadre. La confusion se retrouve dans le fait que ce sont les parents qui se retrouvent à décider du cadre mais aussi dans le fait que l’orthophoniste culpabilise.. Comme si elle ressentait un éprouvé qui aurait dû être du côté des parents.

Cette confusion peut amener de l’insécurité dans le cadre. L’orthophoniste se fait, après coup, une réflexion très pertinente: il n’est jamais trop tard pour reprendre des difficultés. Cela peut être amené effectivement encore plus aisément avant ou après des vacances, où le cadre se repose. Utiliser le questionnement permet de faire une vraie mise au travail collective et de questionner les résistances, s’il y en a: “J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup d’absence à chaque période de vacances, peut être ne vous avais je pas assez parlé de l’importance de la continuité dans ce travail ? Est-ce que c’est compliqué pour vous ? Comment faire pour trouver une solution qui puisse répondre aux différents besoins, les vôtres et les miens ? “. Dans la plupart des cas, un compromis pourra être trouvé.

Par ailleurs, lorsqu’on analyse les situations plus en profondeur on retrouve souvent des enjeux implicites qui peuvent avoir un impact sur votre relation avec les patients.

#mauvais objet #culpabilité #cadre sécurisant #dialogue exploratoire #résistances

 

 

  • “bon cours ma chérie” …. oui, cette famille pense que vous prodiguez des cours d’orthophonie, comme si c’était une matière à enseigner. Vous n’osez pas leur dire que ce sont des séances et que vous faites de la rééducation parce que ce n’est pas facile de reprendre les gens, de les corriger mais… à chaque fois que vous l’entendez, votre coeur se pince et vous ragez de ne pas oser rétablir la vérité.

 

Est-ce qu’en acceptant que certaines familles appellent cela un “cours” nous ne nous tirons pas une balle dans le pied ? Oui, l’orthophonie et le soutien scolaire sont quelques fois assimilés, d’une part parce que certains collègues acceptent de faire les devoirs avec l’enfant (si, si, ça existe !) mais aussi parce que nous laissons passer des phrases comme nous venons de le voir. Mettons-nous à la place d’une vendeuse. Une cliente arrive et demande la paire de chaussure en nubuk qui est en haut de l’étagère, vous ne voyez pas vraiment de laquelle elle veut parler, vous lui demandez des précisions puis à force de gestes vous comprenez qu’il s’agit en fait d’une paire en daim. Est-ce que le fait de lui préciser le type de cuir de la chaussure vous donne l’impression de la corriger (au sens péjoratif du terme) ? Non…. en tant que spécialiste de la chaussure, vous vous permettez d’orienter cette dame dans la bonne compréhension d’un produit qu’elle souhaite acheter.

C’est un peu tiré par les cheveux mais au même titre, nous nous devons d’intervenir. Nous ne la corrigeons pas, nous rectifions une vérité qui a beaucoup d’impact sur nous mais également sur la façon dont la famille voit la prise en charge. En poussant plus loin, un point serait même adéquat pour ré-expliquer ce que c’est la prise en charge orthophonique et en quoi elle se distingue d’un cours de quoi que ce soit ou de soutien scolaire. Tout cela en gardant en tête “bienveillance” et “communication non violente” pour que le message passe en douceur !

 

〈 Le mot de la psychologue 〉

 

L’orthophoniste peut en effet se saisir de cette opportunité pour ré-expliquer à l’enfant et sa famille le cadre de son travail et ses objectifs. Cela permet de bien différencier les espaces (scolaires, de soins..) et de ne pas entretenir de confusions. Il serait intéressant de savoir s’il n’y a pas aussi de la part de cette mère une forme de déni des troubles de son enfant utilisé comme mécanisme de défense. En ce cas parler de “soutien scolaire” peut être un moyen pour elle de masquer les difficultés de son enfant et il pourrait être important d’échanger à ce sujet, avec patience et bienveillance.

Revaloriser son propre travail permettra aussi sûrement à la famille de donner davantage de sens à leurs venues ce qui pourra renforcer l’investissement… De part et d’autre.

Cela permet de poser de bonnes bases pour le travail qui va suivre sans quoi on ne pourra jamais construire une alliance thérapeutique avec les parents. Sinon confusions, frustrations, complications seront au programme !

#alliance thérapeutique #investissement relationnel #différenciation #alliance thérapeutique #mécanismes de défense

 

 

  • Leurs frères et soeurs détruisent votre cabinet chaque semaine pendant que la maman fait le point sur la séance… qu’est-ce que vous pourriez dire, ce ne sont pas vos enfants après tout mais cela vous met en retard à chaque coup !

 

Vous n’êtes ni une garderie, ni une nounou, ni une femme de ménage. Vous ne pourrez pas empêcher la maman de venir avec toute la fratrie (si elle pouvait s’en passer, elle l’aurait fait d’elle même), vous ne pourrez pas empêcher des petits de 3 ou 5 ans de toucher à tout. Plusieurs solutions s’offrent à vous :

  1. opter pour des rangements fermés. Une très bonne option que je prendrai le jour où je changerai de cabinet.
  2. prévenir la maman de la situation, en indiquant que vous comprenez qu’elle ne peut pas y faire grand chose mais que vous ne pouvez pas vous mettre en retard à chaque fois. La prochaine fois qu’elle veut discuter, vous la ferez rentrer AVANT la séance de son pitchounet. Cela vous permettra de ranger si nécessaire pendant le temps de séance de l’enfant (l’idéal c’est de faire ranger les enfants mais ils sont souvent lent…).
  3. ne plus rentrer dans votre bureau et rester dans la salle d’attente pour discuter (ce n’est cependant pas l’idéal)

 

〈 Le mot de la psychologue 〉

 

On entend ici que le manque de temps génère des tensions et ne permet pas de poser un cadre suffisamment contenant. En effet, se voir en début de séance pourra permettre d’énoncer les difficultés qui ont causé ce changement de cadre (“quand je range le bureau en fin de séance, je prends du retard pour les séances suivantes”) et le fait que si l’on sort des objets, il faudra les ranger ensemble…

En impliquant la mère, elle prendra sûrement davantage conscience des désagréments causés et de l’importance de poser le cadre. Si ce n’est pas le cas, le rangement sera au moins partagé et en faire l’expérience ensemble pourra permettre d’échanger à ce sujet, de demander quelles sont les habitudes à la maison, etc… Pour mieux comprendre le fonctionnement familial à ce sujet.

#responsabilisation #authenticité

 

 

  • Cette maman est adorable mais elle arrive toujours à la toute fin de la séance et vous tient la patte pendant 10 minutes sans que vous réussissiez à la couper tellement son débit est sans relâche…. elle n’est pas désagréable mais ça vous met en retard pour toute la matinée et ça fait des mois que ça dure.

 

Là encore, plusieurs options s’offrent à vous :

  1. version distante : quand #dyslexiquedelespace finit sa séance, ouvrez la porte, dite Bonjour et prenez immédiatement le prochain petit patient dans votre bureau. Si la maman vous parle, dites lui librement “on en discute la prochaine fois si vous le voulez bien (simple formule de politesse, ça se passera ainsi qu’elle le veuille ou non), vous pourriez venir au début de la séance ainsi nous aurons le temps de discuter tranquillement à propos de votre enfant”
  2. version JeReposeLeCadre : finissez la séance de #dyslexiquedelespace 5 ou 10 minutes avant, ouvrez la porte, dite Bonjour et demandez à la maman d’entrer dans votre bureau. Proposez lui un créneau pour faire le point sur la prise en charge (#techniqueduPoint) et durant ce créneau indiquez lui calmement que dorénavant, et ce pour toutes les familles, les discussions concernant leur enfant se feront en début de séance pour éviter d’accumuler du retard.

J’ai une préférence pour l’option 2 car ça permet de recevoir le parent pour discuter de ce qui l’intéresse, de lui montrer qu’on prend le temps pour ça mais de glisser son propre message au milieu.

 

〈 Le mot de la psychologue 〉

 

Je suis d’accord avec l’option 2. Je soulignerai le fait que vous avez vraiment envie d’être à l’écoute de ce qu’elle a à vous dire car ça compte beaucoup pour votre travail et que pour cela vous avez besoin de bonnes conditions, en prévoyant un temps suffisamment long et dans un cadre adéquat, plus contenant et confidentiel que la salle d’attente.

#contenance #cadre sécurisant #confidentialité

 

  • Vous savez que Poupette n’a plus vraiment besoin de vous…. son langage n’est pas parfait mais elle a fait un bon en avant et a quasiment rattrapé son retard. Vous lui faites confiance mais la maman est angoissée et préfère que vous continuiez un peu…. pourquoi pas, mais vous ne savez plus vraiment quoi proposer en séance parce que votre truc c’est les enfants avec des scores pathologiques, pas les petits qui parlent bien ! 

 

Votre travail est-il d’accompagner des parents angoissés ? Non (à mon sens). Enfin, du moins lorsque la prise en charge en elle même n’est plus nécessaire. Cependant, difficile de refuser catégoriquement une prise en charge face à une maman qui en aurait presque les larmes au yeux. C’est pourtant ce travail de maintien du cadre que nous devons faire. Tenir.

Pour éviter une annonce trop brutale, commencez à préparer le terrain plusieurs semaines à l’avance quand vous sentez que Poupette se stabilise. ” Bon ça me semble très positif tout ça, encore quelques séances et nous arrêterons là”. 2 ou 3 séances plus tard, faites un point avec la maman #techniqueDuPoint et indiquez lui les derniers axes de prise en charge ainsi qu’une date de fin. Rassurez-la en lui donnant des repères ”  Laissez-la faire sa rentrée de GSM tranquillement, et en fonction de votre ressenti et des indications de la maîtresse, vous pourrez revenir faire un point avec moi dans 6 mois, je vous prendrai en priorité “. J’ai remarqué que lorsque je donnais ces repères, les parents étaient rassurés de savoir qu’ils pouvaient revenir s’ils en avaient besoin (Versus :  y a une liste d’attente énorme, je n’aurai jamais de place pour la revoir) et finalement, ne revenaient souvent jamais !

 

〈 Le mot de la psychologue 〉

 

Effectivement, l’anticipation permet de rassurer les plus anxieux. Il est important de prévenir la famille en amont de l’arrêt des séances, aussi pour qu’ils aient le temps de se séparer de vous. Au-delà de la rééducation, il y a des relations transférentielles qui se tissent et se séparer d’une personne investie peut être difficile. Signifier que la porte reste ouverte va dans le même sens et permet de s’assurer de la permanence de l’objet: nous continuons d’exister les uns pour les autres, même si on ne se voit plus.

#transfert #angoissedeseparation #permanence de l’objet

 

∼∼∼∼∼∼∼∼∼∼

 

Voilà pour cette 2e série de Brèves !

Ayant eu de très nombreux retours sur les premières brèves et connaissant parfaitement le mal être d’une partie des membres de notre profession, Amelie et moi avons décidé de vous concocter une formation de 2 jours autour du bien-être professionnel.

 

Pour tout vous dire, il aurait fallu que l’on fasse ça sur 4 jours mais ça nous paraissait beaucoup alors on a fait des choix et on a décidé d’aller au coeur de tout :  pouvoir se constituer un CADRE INTERNE qui offre un ancrage suffisamment solide pour faire face aux différentes difficultés quotidiennes.

 

C’est donc autour de cette problématique que nous allons vous proposer 2 jours de cocooning, 2 jours pour prendre soin de vous, 2 jours pour être ensemble et découvrir des outils pour rendre votre quotidien professionnel (et donc personnel) plus serein. Cette formation se voudra très pratique avec de nombreux ateliers utilisant différentes techniques dont certaines ayant une véritable validité scientifique comme la méditation. 

 

Notre première formation se déroulera durant le premier semestre 2018 à Aix en Provence et sera ouverte à tous les professionnels de santé. Si  vous voulez en savoir plus et/ou que vous êtes intéressés, envoyez-nous un mail à l’adresse suivante : zensembleformation@gmail.com

 

Si vous êtes intéressés mais que le lieu est trop éloigné, nous sommes prêtes à étudier toutes vos propositions. Dites-le nous en nous écrivant un petit mail à zensembleformation@gmail.com et en laissant votre ville et vos coordonnées.

 

À très bientôt !

Powa ♣

Amélie ♦

 

 

 

10 commentaires sur “Construire son cadre interne – Brèves d’orthophoniste 2”

  1. Bonjour Powa,
    Quel très joli article ! J’étais presque dans ton cabinet, en train de suivre le cours (la SEANCE, je te taquine !) Merci encore ! Et bonne formation

    1. Bonjour Anne-Laure 🙂 Il n’y aura pas de Fif-pl Pour la première session mais nous sommes en train d’imaginer un format qui serait probablement bien plus accessible qu’une formation classique. N’hésite pas à nous envoyer ton mail pour qu’on te tienne au courant de l’évolution du projet !

  2. super post
    en médecine générale on se pose aussi ce genre de questions , c’est bien de sortir la tête de l’eau pour se poser des questions de fonctionnement , de cadre de gestion du temps plutôt que d’essayer de tout gérer au fur et a mesure sans y arriver.
    ton blog m’aide a prendre du recul en gros

    1. Merci 🙂 C’est un plaisir de voir que cela peut aussi servir à d’autres professions. C’est d’ailleurs pour cela que notre formation s’adresse à tous les professionnels de santé car nous avons pris conscience que cette méta-réflexion était importante pour tous dans cette relation de soin si particulière.

  3. Bonjour, c’était pour prévenir que Poupette ne pourrait pas venir à son cours d’orthophoniste qui doit avoir lieu dans 10 minutes parce qu’il pleut. Mais on peut se téléphoner pour faire le point sur sa dyslexie pour voir si elle est guérie, demain (mercredi), je vous appelle à 16h, ça ne sera pas long, une demi-heure environ. Merci bien!
    Plus sérieusement, je commente pour savoir quelle est cette formation dont il est question? Ça m’intéresserait!
    Une collègue.

    1. Ah ah très drôle Emmanuelle 😉 Concernant la formation, une page de présentation Facebook et probablement un site verront le jour dans le courant du mois de décembre pour en dire plus. Je te propose de nous envoyer un mail à l’adresse suivante zensembleformation@gmail.com afin que l’on puisse te tenir au courant de la suite des événements . Bien à toi chère collègue.

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