Pour celles et ceux qui n’avaient pas suivi, avec une collègue psychologue, nous avons créé une formation qui parle du cadre thérapeutique des orthophonistes.
J’avais envie de développer ici plus précisément ce que nous entendons par cadre, pourquoi construire son cadre est si important et ce qu’il se passe lorsque le cadre est inexistant, instable ou émotionnellement dépendant de variables extérieures.
Le cadre thérapeutique, c’est quoi ?
Bon, je ne vais pas vous dire tout ce qu’on dit en formation, faut en laisser un peu pour celles et ceux qui se sont décidés à payer pour faire notre formation dans son entier 😉 mais ce que je peux vous dire c’est que le cadre thérapeutique, c’est un ensemble de règles plus ou moins flexibles qui permettent de régir l’organisation de votre cabinet et notamment les relations (sociales/financières/temporelles/organisationnelles) entre vos patients, les parents de vos patients et vous.
Ces règles de fonctionnement sont souvent implicites parce que sont parfois liées à votre éducation, votre milieu social ou votre caractère. Ce caractère implicite et subjectif fait que votre cadre thérapeutique est souvent ébranlé par les patients qui ont reçu une éducation différente de la vôtre ou qui ont un caractère diamétralement opposé ou qui appartiennent à un milieu social totalement différent.
Par exemple : il est pour vous impensable qu’un patient arrive en retard sans s’excuser. Inutile de le préciser, c’est une règle de savoir vivre selon vous. Pour monsieur Trukmuch qui est régulièrement en retard et qui plus est, est un entrepreneur particulièrement occupé, arriver 10 minutes en retard ce n’est pas la mer à boire et il ne pensera pas forcément à s’excuser.
Par exemple : pour vous, il est impensable d’aller chez un professionnel de santé sans prendre un moyen de paiement, tiers payant ou pas, vous prévoyez toujours ce qu’il faut. Pour madame Bidule qui a longtemps été CMU et qui n’a donc pas souvent réglé ses consultations, le paiement du bilan réalisé pour son fils ne coule pas de source et elle ne pensera peut-être pas à prendre de quoi vous régler.
C’est en partie le caractère implicite de ce cadre thérapeutique qui le rend instable et ébranlable à tout moment. Si en plus vous êtes dans une période compliquée, que vous êtes fatigué, que vous êtes agacé… il y a de fortes chances que votre cadre thérapeutique, c’est-à-dire les règles implicites qu’il y a dans votre tête concernant la gestion de votre cabinet d’orthophonie, se casse la gueule et que vous ayez donc la fâcheuse impression de vous faire marcher dessus.
Ça vous parle ?
Pourquoi établir clairement son cadre thérapeutique est-il si important ?
Parce que si personne ne fixe de règles, alors c’est le plus “fort” qui va l’emporter et l’on va se retrouver dans un rapport de force permanent qui va entraîner des remises en question, un sentiment de culpabilité pour finir sur un épuisement professionnel certain.
Vous êtes propriétaire de votre exercice, c’est à vous d’en fixer les contours !
Que se passe-t-il quand le cadre thérapeutique n’est jamais explicité ou lorsqu’il est totalement inexistant ?
Pas besoin de faire un grand discours, quelques exemples vont suffire à vous faire comprendre de quoi il s’agit.
- vos patients viennent au bilan sans ordonnance et vous les acceptez quand même
- vos patients ne règlent pas les séances à temps, même avant les vacances d’été “on vous paiera en septembre, allez… bonnes vacances ! Au fait, on revient de vacances le 15 septembre, vous nous gardez le créneau hein ?!!”
- les parents vous imposent un créneau en vous disant qu’ils ne peuvent pas faire autrement et vous acceptez de déplacer 3 créneaux pour permettre de poursuivre la prise en charge
- les frères et soeurs du votre petit patient détruisent votre cabinet pendant que vous parlez au papa
- les annulations de dernière minute sont monnaie courante
- les lapins aussi et les patients se pointent la semaine suivante sans évoquer l’absence de la semaine précédente
- l’IME avec lequel vous avez une convention ne reprend jamais votre travail avec les enfants et pourtant vous continuez d’intervenir
- certains parents arrivent systématiquement en retard et ne s’excusent pas toujours
- Vous continuez des prises en charge que vous souhaiteriez arrêter pour différentes raisons
- Une maman que vous prenez avec vous en séance pour réaliser de l’accompagnement parental pianote sur son téléphone toute la séance
- Votre collègue orthophoniste rentre dans votre bureau parfois plusieurs fois par séance pour récupérer des activités et ça bouleverse votre suivi
- Votre titulaire filtre les appels et ne vous envoie que les prises en charge de langage écrit
La liste pourrait s’allonger encore et encore tant les situations où le cadre est malmené sont courantes !
Que se passe-t-il quand le cadre thérapeutique est clairement énoncé ?
Pour qu’il soit clairement énoncé, il doit être pensé, il doit être vécu de l’intérieur et c’est ce que nous recherchons à faire pendant notre formation. L’idée est de créer un modèle sur mesure et pour lequel vous serez bien droit dans vos bottes au moment où un patient va chercher à l’ébranler.
Un cadre thérapeutique clair vous permettra :
- de ne plus avoir la sensation de vous faire marcher dessus,
- de résister aux tentatives de casser le cadre ( qui n’intervient pas chez tous nos patients, heureusement 😉 )
- de vous sentir plus compétent car vous ne garderez plus des patients qui ratent une séance sur deux par exemple et pour lesquel vous savez pertinemment que la prise en charge n’a pas beaucoup d’intérêt
- de moins ressentir le syndrome de l’imposteur particulièrement présent dans notre profession
- de ne garder que des patients respectueux de votre travail
- davantage de sérénité dans les prises en charge
Mais alors comment penser et exprimer ce cadre thérapeutique ?
Tout est dit dans le titre. Il s’agira d’abord de penser ce cadre thérapeutique. Vous pouvez bien sûr le faire de manière individuelle avec vos propres moyens. Dans notre formation OrthoZen, nous utilisons différents outils qui vous permettent d’aller creuser à l’intérieur de vous, de manière individuelle et en profondeur, ce qui vous convient et ce qui ne vous convient pas. Parce qu’il n’y a pas de formule clé en main pour cela, il est important que cette réflexion soit personnelle et confronte nos valeurs, nos besoins, notre identité propre.
Une fois ce cadre pensé – ce que nous appelons le cadre interne dans notre formation- il s’agira de réfléchir à commencer l’expliciter auprès de notre patientèle – et c’est là que le cadre interne se transforme en cadre thérapeutique chez nos Orthozéniennes – !
Cette réflexion sur le cadre interne fait toujours émerger une réflexion sur notre cadre dans notre couple et notre famille. Tout est entremêlé bien sûr !
Si vous souhaitez en savoir plus sur notre offre de formation (Orthozen : la construire son cadre interne afin de proposer un cadre thérapeutique stable et permettre l’épanouissement professionnel), vous pouvez consulter notre site internet www.zensembleformation.com ou nous contacter par mail : zensembleformation@gmail.com
J’espère que ces pistes de réflexion vous ont plu !
Powa
Tout à fait d’accord avec l’article. J’ai participé à la première formation Orthozen à Aix l’an dernier et ce que j’y ai appris continue à m’inspirer.
Quant au livre présenté , je viens de le terminer. Le lire, c’était comme une balade en forêt, tant l’ambiance et les arbres sont bien décrits.
Bonne journée à toutes
Pascale Point (ortho dans les Monts du Lyonnais)
Oui exactement “Tout est dit dans le titre. Il s’agira d’abord de penser ce cadre thérapeutique. Vous pouvez bien sûr le faire de manière individuelle avec vos propres moyens. …il est important que cette réflexion soit personnelle et confronte nos valeurs, nos besoins, notre identité propre.” moi aussi je pense que tout est dans le titre , la complexité trouver la bonne formule pour penser et exprimer ce cadre thérapeutique très important.
Merci c’est une bonne idée ce travail de bien-être orthophonique. Mettre des limites contredit certains idéaux (tout patient mérite un temps et une attention illimitée). Mais en même temps personne ne tient s’il n’en met pas (burn out). On nous demande de plus en plus de régler tous les problèmes de la société (éducation, exposition aux écrans, dépendance des aînés)… Merci pour votre réflexion et continuez !
Avec plaisir François, ravie que ça vous ait plu !